
Claude Vigée, né à Bischwiller en 1921, s’est éteint le 2 octobre 2020 à Paris dans sa centième année. Son œuvre vaste et multiforme comme sa personnalité riche et attachante en ont fait l’une des plus grandes figures de la littérature d’Alsace de notre temps.
ll lit ici le début de son premier grand poème en alsacien Schwàrzi senggessle flàckere ém wénd, écrit en 1982 et traduit en français par ses soins sous le titre Les Orties noires flottent dans le vent. Ce texte a été publié en édition bilingue par Flammarion en 1984, puis réédité en 2000 par Oberlin à Strasbourg.
En 1984, il donnera le jour à cet autre sommet de son œuvre, son second grand poème en alsacien, Wénderôwefîr, qu’il traduira l’année suivante en français sous le titre Le Feu d’une nuit d’hiver et qui sera publié en 1988 par l’Association Jean-Baptiste Weckerlin.
Écoutons-le lire de sa belle voix douce et si profondément mélancolique.
LES ORTIES NOIRES FLOTTENT DANS LE VENT
Schwàrzi senggessle flàckere ém wénd / Les Orties Noires flottent dans le vent
Mànischmool glaawi, s’hängt mr noch ebbs ém ohr / vun denne gemurmelde werder / wu längscht vergesseni schtémme frihr / ganz lîsli henn gsààt :
Parfois je crois surprendre un écho dans l’oreille / de ces mots murmurés, / que des voix de jadis, depuis longtemps perdues, / disaient presqu’en silence :
so rieselt dr làndraaje ém schpootjohr / geduldi durisch dérri blédder, / àm rànd vum gröje laubwàld / wu’s Rootbäschel rüscht ;
ainsi suinte la pluie de campagne en automne / à travers les feuilles mortes, avec tant de patience, / à la lisière du petit bois de chênes gris et touffus / où le Ruisseau-Rouge chuchote,
un drepfelt dànn én d’ärd / mîseleschtéll wie soot / gànz dièf dort drunde, / ém schwàrze sengessel pfààd.
puis elle s’enfuit goutte à goutte dans la terre, / à pas de souriceaux, comme fait la semence / par le chemin profond / la sente aux orties noires.