2005 : Gaston Jung

JUNG

 

Gaston Jung a été le deuxième Lauréat de la Bourse de Traduction Nathan Katz. La Bourse de traduction lui a été remise en mars 2006 dans le cadre des premières Rencontres Européennes de Littérature à Strasbourg. Ses traductions ont été publiées en édition bilingue aux Éditions Arfuyen, partenaires du Prix :

Albert et Adolphe MATTHIS, Bois d’oignon (Ziwwelbaamholz), poèmes, traduit de l’alsacien par Gaston Jung. Préface de Dominique Huck. Postface de Maxime Alexandre. Bilingue strasbourgeois -français. Collection Neige n° 13. ISBN 978-2-845-90085-1

Gaston Jung est né à Strasbourg en 1932. Il y est décédé en 2018.

En 1964, il fonde le Théâtre des Drapiers. Ce théâtre de recherche et de création jouera le rôle d’un ferment éminemment actif dans la vie culturelle alsacienne. Autour de lui, le décorateur Roland Deville, les comédiens Claude Petitpierre, André Pomarat et le chorégraphe Jean Garcia.

Pour l’ouverture, il traduit et met en scène La grande imprécation devant les murs de la ville de Tankred Dorst qu’il introduit en France. Sa traduction sera reprise par Georges Wilson au Théâtre de Chaillot en 1967. Du même auteur, il traduira Toller qui, en 1973, sera monté par Patrice Chéreau au Théâtre National Populaire de Villeurbanne – Théâtre National de l’Odéon à Paris.

Durant de longues années, il dirige les étudiants en scénographie au Théâtre National de Strasbourg, mais enseigne aussi à Paris, à Nice, à Bruxelles, à Lisbonne.

LE TRAVAIL D’ÉDITION

Gaston Jung participe activement au comité de rédaction de La Revue Alsacienne de Littérature, dont il coordonne plusieurs numéros.

En 1976, il lance la revue Le Drapier et en 1992, toujours à Strasbourg, il crée Le Drapier,
éditeur.

L’ÉCRITURE

Gaston Jung a écrit en français, en alsacien et en allemand.

En français. Aux éditions du Drapier, trois ouvrages en proses, Hélas Stanislas suivi de Ylviuys (1993), Schneewitt (1996), Le tortu (1997). Aux éditions Les Lieux-Dits, des livres de poésie : Trop (1999), Périple (2004), Ballast (2015) et un livre d’artiste tiré à 33 exemplaires avec le peintre Germain Roesz : Almanach allégorique (2006).

En alsacien, des recueils de poèmes : Aanfiirholz (1992, Le Drapier), Offe Gsaat (1999, Do Bentzinger), Schnieppfle un Broosle (2007, bf éditions).

En allemand : il a participé à l’anthologie bilingue Ostende ist nicht Ostia (Krautgarten, 2002).

Dans les trois langues, il publie son dernier ouvrage : Ballast (Les Lieux-Dits 2015)

Il a traduit de l’allemand Tankred Dorst, Franz Xaver Kroetz, August Stramm, Christian Morgenstern, Bruno Kartheuser.

Pour le théâtre, Gaston Jung a écrit quatre pièces : Le plébiscite (Saisons d’Alsace, 1971), Le nouveau Simplicius (Revue Le Drapier, 1978), Sept voies sans issues (Saisons d’Alsace, 1979) et Le jeu de billes (inédit à notre connaissance).

Il est également l’auteur d’une monographie Trajectoires (Revue Alsacienne de Littérature, n° 55, 1996)

Un CD de ses poèmes a été mis en musique par Clément Rossé : Géraldine Keller chante Gaston Jung (Le Drapier, 1998). Il a réalisé également trois « Vidéopoèmes » produits par FR3 Alsace : Aanfiirholz en 1992, Je sais je nage contre le courant en
1995 (textes d’André Weckmann) et Offe Gsaat, en 2000.

Il a été distingué en 1993 par le Prix de la Société des Écrivains d’Alsace.

*

DISCOURS DE RÉCEPTION DE LA BOURSE DE TRADUCTION NATHAN KATZ DU PRONONCÉ PAR GASTON JUNG LE 3 MARS 2006 A STRASBOURG

Pourquoi je traduis des poèmes des frères Matthis
(Rêve les yeux grands ouverts)
traduit du strasbourgeois par l’Auteur

1.
Disons que je rêve et que ce rêve trop beau
séparé du réel par une grille rouillée
est fait d’un grand tapis de divers végétaux
devenus minéraux, leur éclat conservé :
petits galets blancs-jaunes, en forme de mirabelles
pommes rouges pommes pâles, citrons et citronnelles
melons verts ronds et fermes comme boulets à canon
et plus de dix-mille fruits-pavés dans le gazon…

2.
Cette image de la vie où règnent dans la splendeur
les saveurs d’un parterre bariolé de couleurs
a toutes les apparences d’une cour d’église rurale et
réformée dans une rue citadine dite « du Bouclier »
à Strasbourg, et cette cour de rêve pavée des plus
vifs coloris, confrontée à l’église aux murs nus
et modestes, gris et muets, sauf quand appellent
le dimanche les cloches – cette image est éternelle…

3.
À ces fruits ainsi rutilants, vrais ou faux :
pommes poires coings pêches prunes abricots
mirabelles cerises et rhubarbe et groseilles
fraises et framboises plus : dix ou douze recueils
de poèmes, rectangles où on lit un (pré)nom
de poètes écrivant l’alsacien ou bilingues ou bien
triphones hier : Nathan, Albert et Adolphe main-
tenant : Claude, André, Adrien, Conrad, Sylvie, Gaston…

4.
Et chacun a posé sur l’herbe une fleur ou un morceau
de plante qui lui ressemble : Nathan une colchique
d’automne – – celle qu’Albert nomme du magnifique
mot « fülefüte », Adolphe préfère de loin un coquelicot,
Claude aime une ortie noire même sans fleur, André
est amoureux d’un pommier en fleur, Adrien s’émeut
à la vue du lierre, Conrad se chauffe au soleil-
tournesol, Sylvie adore les bouquets d’étoiles
et Gaston aime du chardon la fleur bleue…

5.
La rue du Bouclier à Strasbourg relie la Grand-rue
à la place Saint-Thomas et la « Petite France » connue
pour ses ruelles, ses berges et ses ponts qui sont
à toute heure autant d’invitations et si l’envie
vous vient d’aller de place Kléber jusqu’aux Ponts-
Couverts et par le quartier Finkwiller, le circuit
tournant pour aboutir à Gutenberg alors vos pas sont
dans les pas des frères Matthis, il y a plus de cent ans…

6.
Et tout comme moi vous rencontrerez un de nos vieux
frères-poètes ou même un plus jeune (Jean-Paul ou Joseph)
dans ces quartiers le long de l’Ill ou autour de la nef
de l’imposante cathédrale – ô merveille parmi les lieux
témoins de l’art et de la foi, qui durent malgré les incendies
les tempêtes les guerres et les épidémies, depuis
qu’en l’an huit-cent-vingt six Ernold dit le Noir a décrit
une première église (en bois) sise à cet endroit précis…

7.
Et quand tard le soir au « Coin des Pucelles » ou au « Saint-
Sépulcre » vous buvez comme les frères Matthis le vin
de l’Amitié à la santé de l’Alsace et de la bonne vie,
dehors sous les étoiles la flèche de la cathédrale a mis
son doigt de pierre dans le sens du désir d’avenir :
vers le haut et conçu pour durer. L’art de mêler sourire
et mélancolie, espoir et modestie, réalité rude et poésie
se situe, pour nos poètes-jumeaux, comme leur ville : ici,
entre un fleuve qui relie et qu’un vignoble ennoblit, une liberté bénie.

search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close